La création jeune public, c’est une vocation, comme une urgence
Entretien avec Stanka Pavlova de la compagnie Zapoï, partenaire du festival Ocytô
La création jeune public rime avec exigence artistique et souci d’adéquation avec les différents stades de développement de l’enfant. Le festival Ocytô met en avant la créativité, et la diversité des propositions à destination des tout-petits et des plus grands. Car, pour grandir, le partage et l’échange avec l’autre sont indispensables.
Pourquoi est-ce fondamental de défendre l’art dès le plus jeune âge ?
Toute la richesse du spectacle vivant réside dans le terme “vivant”. Actuellement, l’enfant a accès essentiellement aux offres de l’industrie culturelle et du divertissement par le biais des écrans et des jouets. La salle de spectacles est un endroit clé pour le jeune enfant accompagné d’un adulte : parent, grand-parent, parrain, marraine etc. C’est dans le “vivant” que se tissent les liens, se développent les échanges humains, naît l’empathie. L’apprentissage de l’enfant s’effectue dans l’échange avec l’autre.
Est-ce que la création jeune public contribue aux apprentissages de l’enfant ?
Grâce au spectacle vivant surgit la magie de l’ouverture vers l’imaginaire. Il n’apporte pas un apprentissage particulier mais propose une manière différente d’approcher le monde. Dépasser ses peurs, aller vers l’inconnu, rechercher ses limites, appréhender l’autre, nécessitent beaucoup de temps. En voyant le spectacle, l’enfant grandit car il est confronté à toutes ces problématiques.
Est-il important qu’il soit accompagné ?
Le spectacle s’adresse aux tout-petits mais aussi aux grands. Les adultes qui l’accompagnent lui confirment qu’il est dans un environnement bienveillant. ll découvre qu’il peut sortir du quotidien et vivre une expérience extraordinaire qui lui donnera envie de revenir. Pour cela, il a besoin d’un cadre, d’être rassuré face à cette immense salle et ces gens qu’il ne connaît pas.
Quelle est la nécessité que trouvent les artistes à créer pour le jeune public ?
C’est une vocation, comme une urgence. Les artistes ont besoin de temps afin de trouver le langage juste par rapport à l’enfant. Ce ne sont pas des petites formes. Le son, la lumière, le bon timbre de voix doivent être trouvés pour que l’enfant se sente bien, qu’il ne soit pas effrayé par toute cette nouveauté.
Tout se tisse dans les trois premières années de la vie. L’enfant qui a été confronté à d’autres façons de voir le monde, qui a pu sortir de son bain langagier et familier, aura plus de facilité à prendre son envol.
En quoi ces moments sont-ils précieux pour les parents aussi ?
Ils y trouvent un moment dans l’apaisement, uniquement consacré à l’enfant.
Les enfants rencontrent d’autres personnes, d’autres manières de s’exprimer, d’autres comportements et ils instaurent des relations privilégiées.
Les parents se mettent la pression pour être parfait mais il n’existe pas de mode d’emploi. C’est l’enfant qui montre le chemin de la parentalité. On a le droit de faire des erreurs et on apprend de ses erreurs. Ce qui compte, c’est d’être présent pour l’enfant, que cela soit 5 min, 5h, 5 jours.
En quoi les ateliers parents/enfants offrent une complémentarité au spectacle ?
C’est une autre rencontre avec l’artiste. Pendant le spectacle, ils sont face à une vraie œuvre. Grâce à l’atelier, ils expérimentent et échangent encore davantage. Le travail artistique est démythifié : les artistes sont des personnes comme vous.
L’enfant et le parent peuvent se découvrir différemment : “Je ne savais pas que je pouvais être plasticien.”“Danser, cela fait du bien”. Le regard porté sur l’artiste, sur son enfant, son parent, se modifie et cela change les relations.
Entretien avec Stanka Pavlova, metteuse en scène, marionnettiste et co-directrice de la compagnie Zapoï
Propos recueillis le mar. 28 novembre 2023