“Dans le tout petit se niche le spectaculaire.”
Noëmie Ksicova

Au début, il y a le violon, et puis finalement, c’est le théâtre qui trouve sa voie d’expression. Noëmie Ksicova ne parvient pas encore à s’imaginer créatrice. Elle abandonne même l’INSAS en section metteuse en scène parce qu’elle veut devenir comédienne. Pourtant, elle a plein d’histoires dans la tête, elle voit le monde sous le prisme de la fiction. Au bout de neuf ans (de galère) en tant qu’interprète, elle « ose traverser la rue » et crée son premier spectacle Rapture qui lui vaut d’être prise à Mains d’œuvres. Le Phénix la repère, lui propose de rejoindre le Pôle européen de création et de présenter sa création Loss dans le cadre du Cabaret de curiosités. Un accompagnement dans la durée précieux : « Quand j’ai des doutes, j’appelle Romaric [Daurier]. » S’en suivent le succès au festival Off d’Avignon  et la reconnaissance de la profession.


Valenciennes, ce ne sont que des rencontres déterminantes. Car il y aussi Théo Oliveira Machado, jeune comédien, ancien élève d’option théâtre du Phénix, qui est devenu « la pierre angulaire de son travail.” Sans lui, elle n’aurait pas fait sa nouvelle création L’enfant brûlé. “Il possède une aisance au plateau remarquable, une grande force de transmission par le corps. » Pour Noëmie Ksicova, le langage n’est pas le seul medium pour parler. Elle retravaille son texte en scrutant et en écoutant les acteurs : « J’ai en moi des paysages qui se dessinent à partir d’eux. »


L’enfant brûlé raconte la perte d’une mère et la douleur irréparable d’un fils. Au début des répétitions, la metteuse en scène pensait mettre au cœur de la pièce l’amour comme espace de réparation. Au plateau, elle se rend compte que c’est la mort de la mère qui est le déclencheur de violences. Les garde-fous contre les désirs de domination et de destruction tombent. Avec cette question cruciale en filigrane : « comment élever un fils pour que cela ne soit pas un homme qui détruit. J’y ai mis mes plus grandes peurs. » A l’image de nous tous, il a des facettes aimables et d’autres monstrueuses. Ce héros est attachant mais, très rapidement, le spectateur éprouve le sentiment d’être pris au piège. Pourquoi ce jeune homme s’autorise alors qu’il devrait s’empêcher ? « Ces pulsions, on les a tous. Le travail, c’est d’apprendre à les contenir. » Dans la lignée de Loss, le drame se joue dans un huis-clos familial. « Là où l’aspect social est mis de côté, les vies se construisent ou se détruisent. » Sur le plateau, l’intime convoque l’universel. « Dans le tout petit se niche le spectaculaire. Dans le presque rien, dans des morceaux de vie. »


Le spectacle soulève des problématiques qui ne sont pas morales. Le théâtre n’existe pas pour l’être. Il donne aussi à voir nos parts sombres. Et nos fantômes. Comment le passé continue à s’imprimer sur notre présent. La trace de ce qui a existé est l’obsession de Noëmie Ksicova : « Le deuil contient aujourd’hui une injonction à l’oubli. Or, ceux qui nous ont accompagnés continuent à influencer nos gestes. Sur les visages de ceux que l’on aime, il y a les visages de ceux que l’on a aimés. Nos histoires amoureuses sont des histoires de réparation. »